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La Messe ancienne et la nouvelle

par Henri Charlier

 

Édité par Dominique Martin Morin

 

Vous entendez parler de la " messe de saint Pie V " à laquelle les gens âgés ont participé toute leur vie et de la nouvelle messe, dite de Paul VI, généralement imposée en France, bien que l'ancienne n'ait pas été abrogée.

Il vous a paru tout naturel que Paul VI fasse ce qu'avait fait saint Pie V ? Tous les papes ont le même pouvoir, et si saint Pie V a composé une nouvelle messe qui a été suivie environ quatre cents ans, Paul VI a le droit d'en faire autant ; c'est bien ennuyeux, mais il n'y a rien à dire.

Or, en cela on vous trompe, sciemment ou non. La " messe de saint Pie V " est ainsi appelée parce qu'elle figure sous ce nom en tête de tous les missels placés sur l'autel à l'usage du prêtre avec la bulle du même pape qui l'imposé, mais la messe de saint Pie V n'était pas une nouvelle messe. AU CONTRAIRE.

Elle était une RESTAURATION, poussée aussi loin que le permettait la documentation accessible, de la messe la plus ancienne que l'on connût à Rome ; car dans les temps anciens dont nous parlons, les relations de voisinage étaient très difficiles. Sous Louis XIV, au XVIIè siècle, il fallait encore trois semaines pour aller de Paris à Marseille, à cheval ou en voiture ; c'était le temps que mettait une lettre. Chaque cathédrale, chaque ordre religieux avait pris des habitudes particulières. Ainsi, par exemple, dans la cathédrale d'Auxerre, il y avait un rite solennel à l'Offertoire : tout le clergé, avec acolytes et cierges allumés, apportait en procession au célébrant le pain et le vin ; ceci est un exemple de ces particularités nullement hérétiques dont la piété d'un évêque ou d'un religieux avait surchargé l'office romain.

Une fois déjà, Rome avait tenté d'unifier la liturgie traditionnelle par le moyen de ses missionnaires et Charlemagne l'y aida en imposant dans tout l'Empire (qui n'était autre que l'Europe des Six d'aujourd'hui) la liturgie romaine. L'anarchie qui suivit la décadence des Carolingiens, l'absence d'un État organisé, les invasions des Normands, des Hongrois, des Bulgares qui vinrent pour piller jusqu'au cœur de la France, émiettèrent la société; chaque seigneur devint indépendant et son château la seule sauvegarde de la population qui s'y réfugiait à chaque alerte. Les habitudes particulières fleurirent à nouveau dans de petites chrétientés divisées par ces invasions et sans grands moyens de communiquer entre elles.

C'est à ce désordre devenu habitude que le Concile de Trente voulut mettre fin, et la commission chargée d'étudier In réforme demanda : " Que le sacrifice soit accompli selon le même rite partout et par tous, afin que l'Eglise de Dieu n'ait qu'un seul langage, et que parmi nous, la plus légère différence à cet égard ne puisse être relevée (...) Que les missels soient restaurés selon l'usage et la coutume ancienne de la Sainte Eglise Romaine. "

Le Concile se sépara en chargeant le pape Pie IV alors régnant d'accomplir cette restauration. Pie IV mourut avant que l'œuvre fut terminée ; son successeur l'acheva.

Elle avait consisté à unifier les missels en les purifiant de tous leurs défauts pour ramener le rite romain A CE QU'IL ÉTAIT A SON ORIGINE. Le canon de la messe de saint Pie V est identique à ce qu'il était au IVè siècle sous s. Hilaire, évêque de Poitiers. Cette messe n'était donc pas nouvelle, mais au contraire, une RESTITUTION de la messe antique de l'Eglise Romaine. C'était en même temps un acte conciliaire. C'est ce qui explique la gravité avec laquelle s. Pie V déclare : " Et afin que tous et en tous lieux adoptent et observent les traditions de la sainte Eglise romaine. Mère et Maîtresse de toutes les Eglises, faisons pour les temps à venir et à perpétuité défense que dans toutes les églises du monde chrétien, la Messe soit chantée ou récitée autrement que selon la forme du Missel publié par Nous. "

Cette sévérité se comprend car il ne s'agissait pas du tout d'une nouvelle messe, ni d'une reconstitution archéologique. mais de la messe la plus ancienne de l'Eglise romaine dont on ait pu s'assurer.

 

LA NOUVELLE MESSE

La messe de Paul VI est au contraire une messe nouvelle et ce qu'on ne vous dit pas, c'est qu'elle a été fabriquée en accord avec cinq hérétiques, deux anglicans, deux luthériens et un frère de Taizé. Et comme ces collaborateurs ne croient ni à la continuation du sacrifice de la Croix à la Sainte Messe, ni à la présence réelle, les modifications qu'on a fait subir à la messe ont ceci pour but : le texte est assez équivoque pour que ceux qui ont conservé la foi des Apôtres puissent l'accepter tout de même et que les protestants puissent l'accepter comme un simple souvenir dont on fait mention.

Ce n'est pas un succès : on ne sait plus si la messe est valide, et c'est justement ce que l'ancienne messe voulait éviter.

Il faut croire qu'une partie de notre clergé est elle-même devenue hérétique, puisqu'elle insiste sur le caractère de " repas " qu'elle attribue à la messe. Et la foi de nos évoques elle-même n'est plus certaine puisqu'ils autorisent des messes scandaleuses, avec de nouveaux canons fabriqués par un vicaire ou un curé qui veulent les accommoder à leur manque de foi. Or il y a déjà quatre prières ad libitum dans le nouvel Ordo. Et jamais on n'a vu davantage de célébrations différentes de ville en ville ou village, scandale que justement voulait éviter saint Pie V EN COMMANDANT QUE LA MESSE NE FÛT JAMAIS CHANGÉE.

Ce sont les réformateurs eux-mêmes qui détruisent la réforme liturgique ; ils nous annoncent même que la messe sera changée encore... Nous sommes assurés qu'on veut amener un changement de la foi en changeant progressivement les habitudes chrétiennes. Cela apparaît à des signes évidents : le préambule de la messe était hérétique et APRÈS SA PUBLICATION, Sa Sainteté Paul VI a dû le faire modifier. Les belles prières de l'Offertoire ancien ont été supprimées, remplacées par cette affirmation intentionnelle répétée deux fois : fruit de la terre et du travail des hommes ; nous, nous disions jadis : ce que nous vous offrons est déjà un don gracieux de votre tendresse. La nouvelle prière n'est pas très humble ; elle a été composée par des gens qui ont l'habitude de trouver tout prêt leur repas et leur pain, sans savoir comment il est arrivé. Ils ne savent point ce qu'est une vigne prête à être vendangée et que ruine la grêle, un champ de blé que le vent et les orages obligent à laisser pourrir sur place ; même le fruit de notre travail est encore un don de Dieu.

La CONSÉCRATION n'est plus appelée ainsi ; elle est devenue : Récit de l'institution. Les prêtres qui ne croient pas, si on peut encore leur donner ce nom (eh, oui ! ils ont été ordonnés pour l'éternité, suivant l'ordre de Melchisédech !), ces prêtres peuvent lire ce texte comme une histoire qu'on raconte sans croire à la présence réelle de Jésus tel qu'il était sur la Croix ; ils peuvent croire simplement à sa présence spirituelle comme dans toute assemblée chrétienne, quand, par exemple, vous dites le Bénédicité en famille avant le repas. Alors la messe n'est pas valide, elle n'est qu'un faux semblant, un mensonge.

On supprime le silence, on rend impossible le recueillement de la foule en faisant lire tout haut les paroles par où JÉSUS LUI-MÊME, par le ministère du prêtre, accomplit le mystère de son sacrifice en forme de sacrement ; et pour enlever tout caractère sacré à l'acte du prêtre, 'qui pourrait percer votre cœur d'amour et d'humilité, il fait aussitôt une acclamation : " II est grand le mystère de la foi ! " Or, c'est la doctrine protestante que Jésus n'est là que par la foi des assistants et non par le ministère d'un prêtre consacré à cet effet. Dans l'ancien canon, le prêtre, en consacrant, prononçait ces mots : MYSTERIUM FIDEI, mystère de foi, mais dans une intention bien différente : la foi accepte un mystère qu'elle n'a pas créé. L'acclamation actuelle, suivant la doctrine protestante, crée le mystère de la présence de Jésus. Et la jeunesse braille, comme si elle était l'héroïne d'une nouvelle Pentecôte : "... nous attendons que tu viennes. " Or IL EST LA. Mais c'est pour le faire oublier.

Hélas, oui ! Nous voyons de tous côtés le clergé insister sur ce fait que Notre Seigneur a institué le sacrement de l'Eucharistie au cours d'un repas : pour faire croire que la messe est un repas de famille ordonné seulement à la communion des fidèles. On nous ramène simplement aux mœurs païennes : tous les anciens peuples sacrifiaient à Dieu des animaux qu'ils mangeaient ensuite suivant des rites très précis et c'était l'essentiel de leur religion. On veut faire oublier que Jésus a perpétué jusqu'à la fin des temps l'unique sacrifice du Calvaire pour que tous les baptisés puissent assister au mystère de l'amour divin qui permit leur salut et qu'alors, comme saint Pierre lui-même, après son misérable petit reniement d'enfant peureux, ils puissent voir de quel abîme de ténèbres, de quelle ombre de mort Dieu les a tirés par la foi en Jésus-Christ. Et des chants sans poésie et sans art accompagnent la réception du sacrement pour déshabituer les fidèles du recueillement qui devrait accompagner cette grâce.

Ce même flot d'hérésie qui entraîne notre clergé le pousse à enlever les prie-Dieu pour interdire l'acte d'adoration et à défavoriser toute action de grâce ; nous avons vu, dans une école dirigée par des religieux, forcer les jeunes gens à quitter la chapelle aussitôt après l'ite missa est pour empêcher l'action de grâce.

 

LE VRAI VISAGE DE LA SAINTE CENE

II y a fraude dans la manière de présenter la Cène. Bien loin d'être comme une fête de famille, elle fut une cérémonie religieuse divisée en plusieurs parties ; à chacune d'entre elles, une coupe de vin (avec deux tiers d'eau) était partagée par les convives, puis on se lavait rituellement les mains ; après la première coupe, le plus jeune des assistants (ce fut saint Jean probablement) demandait au président : " Pourquoi cette nuit est-elle différente des autres nuits ? Quel est le sens du rite que nous accomplissons ? " Le président rappelait alors l'histoire de la sortie d'Egypte. La deuxième coupe passait alors de mains en mains et l'assemblée chantait les psaumes 113 et 114 (Vulgate : ps. 112 et 113). On buvait la troisième coupe ; le repas continuait d'herbes amères, de pain non fermenté trempé dans un brouet de fruits cuits dans du vin, on partageait l'agneau rôti. Puis les convives récitaient les psaumes 115, 116, 117, 118 (Vulgate : 114 à 117). C'est un repas de famille bien grave ; et grave en lui-même d'après le rituel juif, il l'était plus encore parce que Jésus y ajouta deux actes extraordinaires. Il avait dit d'abord : " J'AI DÉSIRÉ MANGER AVEC VOUS CETTE PAQUE AVANT DE SOUFFRIR. CAR JE VOUS DIS QUE JE NE LA MANGERAI PLUS JUSQU'A CE QU'ELLE TROUVE SON ACCOMPLISSEMENT D'ANS LE ROYAUME DE DIEU. " (Luc 22/15.) Et, après la première coupe, alors qu'on allait se laver les mains : " II se lève de table, quitte ses habits et prenant un linge, s'en ceignit ; ensuite il jette de l'eau dons le bassin et se met en devoir de laver les pieds de ses disciples et de les essuyer avec le linge dont il était ceint. " (Jean 13/4.) Pierre protesta, puis se soumit à cet acte d'humilité de leur maître.

Ce n'était pas un repas de famille, mais un repas d'adieu s'il en fût : Jésus savait qu'il allait être arrêté dans quelques heures, dans moins d'un jour attaché à la croix. Alors il consacre le pain et le vin pour éterniser le sacrifice qu'il allait accomplir lui-même une fois pour toutes en la journée prochaine pour le salut du monde.

Tel fut ce repas, rendu encore plus tragique par le départ de l'ami, du disciple qui sortait pour trahir... Voilà ce qu'on désire vous empêcher de réaliser (et de vivre) en vous parlant du " repas eucharistique " comme d'une fête qui doit être joyeuse à la manière du monde auquel on veut ressembler. La joie certaine puisée dans la participation au Saint Sacrifice de la messe est une joie liée à l'acceptation de la Croix. Mais le clergé qui fait tant d'efforts pour naturaliser le surnaturel et diminuer le respect des Saintes Espèces les fait en conséquence distribuer par n'importe qui et n'importe comment (non sans sacrilèges). Les fidèles prendront l'habitude de les recevoir sans plus de respect qu'il ne fait lui-même, sans plus d'égard à les consommer que pour le pain bénit. La foi diminuera d'autant, et c'est ce que désirent tous ceux qui ne croient plus à la présence réelle du Christ.

 

L'ABOUTISSEMENT

Or il semble qu'on ait l'intention d'aller plus loin, pour atténuer (est-ce pour la nier dans dix ans ?) cette vérité que Jésus est Dieu. Deux très importantes prières à la Sainte Trinité ont été supprimées dans la nouvelle messe : celle de l'Offertoire (Recevez, ô Trinité Sainte) et la dernière prière du prêtre avant de quitter l'autel : " Agréez, Trinité Sainte... " De plus la Préface de la T. S. Trinité qui se disait chaque dimanche a disparu de cet office.

 

LA FUNESTE MANIGANCE

Tout cela fut amené savamment et de loin, par la pratique de l'irrespect. Les jeunes prêtres à qui on donna l'idée de la messe face au peuple et qui parlaient avec un mépris non dissimulé des " bien-pensants " ne savaient pas où on les menait ; ils se croyaient des apôtres rénovant la religion pour faire mieux participer les fidèles au Saint Sacrifice. Mais ils tournaient le dos à la Sainte Réserve. qui, sur le maître-autel, demeurait la grande Présence de l'éternel Seigneur et l'hôte pitoyable qui nous recevra tous un jour, séparément puis ensemble, et qui, à cette heure, dans l'étroite prison où la malice des hommes nous force à l'enfermer, désire seulement un acte d'amour et d'humilité.

Alors, par respect (si l'on peut dire), on enleva la Sainte Réserve. On l'a placée dans un petit coin ou dans une salle attenante, mais le vrai maître n'était plus dans son église.

Et puis, célébrant la messe à deux pas de bonnes filles qui les dévoraient des yeux, ils se sont rendu compte qu'ils faisaient les signes de croix sur l'oblation comme s'ils battaient des œufs en neige. Comment faire pour assurer le respect ? Le plus sûr était de supprimer les signes de croix. Ils se sont alors aperçu que, si près qu'ils fussent des fidèles, ils demeuraient tout de même trop distincts ; ils se sont mis en civils. Voilà où conduit progressivement le naturalisme : n'étaient-ils pas des hommes comme les autres ? avec un cœur et un désir si respectable de paternité ? Voilà de l'humilité ! Mais il y avait un oubli plus ou moins conscient et progressif du grand rôle que leur consécration leur avait offert, et qui eût dû les rendre bien plus humbles encore, d'une manière mystérieuse, due à la grâce, et leur eût fait acquérir la vertu théologale d'Espérance, flambeau de tout chrétien en cette vallée de larmes. Leur aveuglement les a conduits à demander à des hérétiques de les aider à élaborer une messe que les hérétiques pourraient dire eux-mêmes sans être forcés de croire à ce que l'Eglise a toujours cru.

 

CATÉCHISME

II fallait faire passer l'esprit de cette messe équivoque dans le peuple. Il était tout indiqué de commencer par les enfants, dont l'esprit — s'il n'a pas été convenablement formé à l'esprit de foi par leurs parents — est sans défense. Et aujourd'hui déjà, de jeunes parents de vingt-cinq ans. formés depuis dix ans par ces prêtres qui ont perdu leur boussole, acquiescent aux facilités du nouvel enseignement.

L'idée centrale est de fonder une nouvelle église qui pourrait s'accommoder des opinions de tous les hérétiques en supprimant les dogmes qui passaient pour essentiels, car ils avaient été enseignés par les Apôtres et maintenus sans changements (comme il se doit) jusqu'à présent, et dans l'Eglise Orthodoxe et dans l'Eglise Romaine.

Dans les nouveaux catéchismes il est certes parlé de Jésus-Christ, mais uniquement pour en prêcher la morale, comme pour former la volonté sans se soucier de l'intelligence. Mais ces puissances de l'âme sont en réalité inséparables et si on ne les forme ensemble, on les ruine pour l'avenir.

Nous lisons page 14 " En suivant Jésus-Christ " : Jésus nous dit, entrez par la porte étroite ; il est large le chemin qui conduit à la mort et beaucoup le prennent ; il est étroit le chemin qui conduit à la vie, un petit nombre seulement savent le trouver. Matthieu, 7

Mais page 24, on nous dit : Dieu est heureux de nous voir vivre, il met le monde à notre service. Dieu veut que notre vie réussisse. C'est Jésus qui la fait réussir. Il nous rassemble déjà dans un monde nouveau.

Or il n'y a aucune trace dans le livre du péché originel ; nos chefs religieux n'y croiraient-ils plus ? Les jeunes mamans sont bien obligées d'y croire ; elles peuvent constater, à moins d'un aveuglement animal, que leurs enfants de trois mois ont déjà des défauts visibles et bien réfractaires à l'éducation.

Comment des enfants non avertis de cette blessure originelle de la nature humaine comprendront-ils ces paroles que Dieu est heureux de nous voir vivre et que le monde est à notre service ? et " II nous rassemble déjà dans un monde nouveau " ? Le monde est nouveau pour les enfants et ils ont bien besoin de l'expérience des parents pour le comprendre ; mais ce monde est bien vieux naturellement. Veut-on le leur faire créer sur la terre ? Le monde nouveau ne peut être le monde naturel, mais le monde surnaturel dont on s'applique à écarter l'idée.

On va jusqu'à fausser les traductions de l'Evangile pour le cacher. Page 78, on parle de l'annonce de sa Passion par Jésus. Saint Pierre le reprit en disant : " A Dieu ne plaise, Seigneur, cela ne nous arrivera pas. " Mais Jésus se retournant dit à Pierre : " Retire-toi de moi, Satan, tu m'es un scandale... " Ceci est traduit : " Passe derrière moi, Pierre, tu es pour moi un obstacle. " On tient à ce que les enfants ne croient pas à un monde d'esprits purs dont une partie a péché par orgueil. Je crois que les auteurs du catéchisme, comme Jésus le dit à Pierre, n'ont pas l'intelligence des choses de Dieu.

Trois des béatitudes sont escamotées : " Heureux les doux. " La plupart des enfants auraient bien besoin de se l'entendre dire. " Heureux ceux qui pleurent. " " Heureux ceux qui souffrent persécution pour la justice, car ils seront appelés enfants de Dieu. " Toutes ces béatitudes sont. comme la première, " en esprit ". Comment les faire comprendre en vérité sans parler du péché originel ?

Il y aurait une multitude d'observations analogues à faire au sujet de ces catéchismes. On peut dire que la plupart des vérités essentielles à connaître sont passées sous silence. On invoque la faiblesse intellectuelle de l'enfance ; or cet âge est plus disposé à croire facilement ce qu'on lui enseigne. Apprendre et retenir les vérités de foi dès sa prime jeunesse est une facilité et une grâce qui vient du baptême. La foi qu'il a donnée est une plante fragile que les parents laissent souvent s'étioler, mais qui aspire à se développer : et nous avons toute la vie pour progresser. Sous le même mot, " Dieu ", est-ce que saint Bernard ou le curé d'Ars n'avaient pas une connaissance plus profonde de Dieu à cinquante qu'à vingt ans ?

Tout se tient... on veut reculer le baptême !

 

LA TRAHISON

C'est alors qu'un cardinal, président du secrétariat pour l'Unité, s'en fut au Congrès luthérien d'Evian en septembre 1970 pour y faire un éloge de Luther.

Or Luther a écrit : " C'est elle (la messe) qu'il fallait démolir pour frapper au cœur l'Eglise Catholique. " II disait aussi (De caplivitate Babylonis, t. Il, p. 282) : " Les évêques et autres pasteurs n'ont par dessus les autres chrétiens que le seul ministère qui leur a été consenti du consentement du peuple. " Et Luther lui-même a avoué qu'il tenait du diable ses préventions contre la messe : " Ecoute, me dit-il, Luther, docteur savantissime. Tu sais que durant quinze années tu as célébré des messes privées ; que dirais-tu si ces messes privées étaient une horrible idolâtrie ? Que dirais-tu si le corps et le sang du Christ n'y avaient pas été présents, et que tu n'aies adoré, et fait adorer aux autres que du pain et du vin ? (...) Que dirais-tu si ton ordination et ta consécration étaient aussi fausses gué les prêtres des Turcs et des Samaritains sont faux et leur culte faux et impie ? " (Œuvres de Luther, tome 6 de l'impression d'Iéna, page 82, 1533.) Nous avons sous les yeux cet opuscule, publié treize ans avant sa mort. Voici un autre texte de Luther : " Toutefois, afin d'arriver sûrement et heureusement au but, il faudrait conserver certaines cérémonies de l'ancienne messe pour les faibles gui pourraient être scandalisés par le changement trop brusque. " (Œuvres, t. XII, p. 212.)

Nous en sommes là ; et c'est l'œuvre de notre hiérarchie, hélas ! Et le frère Thurian de la communauté luthérienne de Taizé, qui n'est pas prêtre, bien entendu, déclare que lui, luthérien fidèle, est maintenant tout disposé à célébrer cette nouvelle messe. Parce qu'elle est équivoque ; seuls les hérétiques gagnent à ce faux œcuménisme ; nous ne pouvons croire que les prélats se permettant une telle duplicité aient encore la foi des Apôtres. Un évêque a ri de bon cœur quand je lui ai déclaré, connaissant la piété de notre curé, que ce bon prêtre consacrait réellement. Il riait de ma simplicité. Je suis probablement de ces " faibles " dont parie Luther ; je suis aussi bête que saint Augustin, Pascal ou saint Vincent de Paul. La foi est un don de Dieu ; malheur à qui la perd ; cet évêque ne croît plus à son sacerdoce et supporte impatiemment la solennité dont la tradition entoure ce que nous croyons avec toute l'Eglise depuis la première Pentecôte : le saint Sacrifice de la Messe. Mais il profite du respect qu'on accorde encore à son titre pour commander sans vergogne et détourner de la vraie foi.

Il n'est sans doute pas le seul, car sans doute, à Rome même, ce monde ecclésiastique est divisé : bel exemple d'unité. Ils veulent l'unité par l'hérésie facultative ; c'est ce qu'ils appellent " pluralisme ".

La preuve de ces divisions se trouve dans les paroles que le Saint-Père a prononcées le 29 juin 1972 en la fête de s. Pierre et en l'anniversaire de son couronnement : " Nous avons l'impression que, par quelque fissure, la fumée de Satan est entrée dans le temple de Dieu. C'est le doute, l'incertitude, la mise en question, l'inquiétude, l'insatisfaction, la confrontation. (...) Dans l'Eglise aussi règne ce climat d'incertitude. On aurait pu croire que le Concile aurait amené des jours ensoleillés pour l'histoire de l'Eglise. Au contraire, ce sont des jours remplis de nuages, de tempêtes, de brouillards, de recherche, d'incertitude. Nous prêchons l'œcuménisme et nous nous détachons toujours plus des autres ! Nous creusons des abîmes entre nous au lieu de les combler! " Comment cela a-t-il pu se faire ? Nous pensons qu'il y a en l'influence d'une puissance ennemie : son nom est le Diable, cet être mystérieux auquel fait allusion saint Pierre dans son Epître. "

Le Saint-Père ne dit pas d'autres choses que nous-mêmes, mais sans les expliquer clairement ; c'est ce que nous avons essayé de faire. Et voici la traduction de l'Epître de saint Pierre rappelée par le Pape. Les catholiques la lisent tous les dimanches à complies, mais il y en a peu qui se défient sérieusement : Soyez sobres, soyez vigilants. Votre adversaire le diable, comme un lion rugissant rôde autour de vous, cherchant oui dévorer. Résistez-lui fermes dans la foi, sachant que les mêmes souffrances sont imposées à vos frères qui sont dans le monde. Mais le Dieu de toute grâce, qui vous a appelés dans le Christ à la gloire éternelle, après que vous aurez un peu souffert vous rétablira lui-même (...) A lui la puissance aux siècles des siècles. Amen.

 

NOTE COMPLEMENTAIRE SUR L'OFFERTOIRE

On a prétexté que les prières de l'Offertoire faisaient double emploi : elles ne font double emploi que si on veut enlever à celles de la consécration le sens d'un SACRIFICE. Nous retrouvons là l'obliquité de pensée des créateurs de la nouvelle messe ; sans le dire, ils suivent tout simplement Luther ; ce malheureux disait des prières qui suivent le Credo : " Suit toute cette abomination à laquelle on assujettit tout ce. qui précède. On l'appelle Offertoire et tout y ressent l'Oblation. "

L'Offertoire est notre sacrifice à nous, pécheurs, laïcs. peuple de Dieu non désigné par et pour un ministère (et le prêtre, en tant qu'homme est avec nous. à notre tête). Nous offrons humblement ce que nous avons reçu, les fruits de la terre ; c'est là notre sacrifice pour honorer Dieu et nous faire pardonner nos fautes : Recevez, ô Père Saint, Dieu tout puissant et éternel cette hostie sans tache que je vous offre, moi, votre indigne serviteur à vous qui êtes mon Dieu vivant et véritable, pour mes péchés, mes offenses et mes négligences sans nombre, pour tous ceux qui sont ici présents et pour tous les chrétiens vivants et morts, afin qu'elle serve à mon salut et au leur pour la vie éternelle. Ainsi soit-il.

De même pour le vin. C'est un sacrifice mieux orienté, mieux adressé, et, par la grâce divine du baptême, plus pur, mais analogue à celui qu'ont pu faire les bons païens, et qu'ils faisaient réellement. Sans parler du repas rituel que faisaient chaque mois les hommes des temps anciens, lisez le début de la République de Platon : Socrate, au soir d'une fête, est retenu au Pirée par Polémarque. Ils trouvent au logis Céphale, le Père de Polémarque ; c'est un vieillard : " Il était assis, la tête appuyée sur un coussin et portait une couronne parce qu'il avait ce jour-là un sacrifice domestique…" Céphale reçoit aimablement le visiteur, et après une conversation que rapporte Platon, Céphale ajoute : " Je vous laisse continuer l'entretien ; il faut que j'aille continuer mon sacrifice. " Et le chef de famille laisse ses fils et son hôte. Céphale était sous la loi naturelle, mais il faut déjà une grâce pour y être fidèle. Il n'y a sûrement rien dans la prière de Céphale qui soit comparable à la prière de l'Offertoire que nous venons de citer, sinon les offrandes matérielles, car nous pouvons nous offrir nous-mêmes en sacrifice aux intentions de la T.S. Trinité à qui est adressée la dernière prière de l'Offertoire.

On comprend, comme nous l'avons dit déjà, que tel évêque ou quelque saint personnage d'Auxerre ait fait jadis à cet offertoire une présentation solennelle : elle n'ajoutait rien au texte de la messe, car humainement, nous ne pouvons rien plus.

Mais, au canon de la messe qui suit, ce pain et ce vin, ce que nous avons offert vont servir à UN AUTRE OFFICIANT, JESUS-CHRIST lui-même. Par le ministère du prêtre consacré à cet effet, Jésus renouvelle personnellement, de manière non sanglante le sacrifice de la Croix, pour que, jusqu'à la fin des temps, les hommes puissent être présents au Calvaire et s'y offrir par Lui, avec Lui, en Lui.

Et voilà pourquoi nos hérésiarques éliminent la modeste et solennelle offrande que les créatures offrent leur Créateur, car, pour eux, ce qui va se passer n'e autre chose qu'une offrande pour laquelle le prêtre n'e pas même nécessaire ; l'introduction à la nouvelle mes publiée officiellement puis modifiée par le Saint Siège disait : le prêtre préside. Ils ne prient pas Jésus de consacrer, ils prient le Saint-Esprit de rendre Jésus présent spirituellement. Il ne s'agit plus que d'un sacrement non d'un SACRIFICE.

Et voilà pourquoi l'offertoire est inutile aujourd'hui.

 

 

Henri Charlier

 

1973
édition Dominique Martin Morin

 

 

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